Les mondes de la généalogie - Colloque international du 24-25 janvier 2019 Université d’Angers
Diffusions et transformations d’une pratique amateur à l’échelle transnationale.
Benoît de L’ESTOILE[1]
La définition de familles est différente selon le contexte
dans lesquelles elles évoluent, nous verrons ici trois zones du monde complètement
différentes, le Bénin, le Brésil et la France.
Un pays d’Afrique où la mémoire de lignée est capitale pour les souverains.
Au Bénin, découvert en 1730, par
le Portugais E. de CAMPOS qui renomme la ville d’Adjatché en Porto-Novo,
les arbres familiaux sont complexes. Dans ce royaume de Porto-Novo ancien se
trouve deux rois qui vivent dans des palais différents et très modestes, l’un
gouvernait le jour et l’autre la nuit. Les fonctionnaires royaux étaient soumis
à pression et devaient produire un art à la gloire du souverain et de ses hauts
faits d’armes. La mobilisation pour la présentation est importante. Les clans
sont nommés et regroupe les ascendants des dynasties royales de chacun des
rois. Le culte est présent dans chaque acte de la vie.
En 1874, Toffa (1850-1908) prend
le pouvoir et son règne est marqué par une alternance de conflits et d’alliances
avec ses voisins militairement puissants et expansionnistes -les royaumes du
Dahomey, d’Angleterre et de France. Les conflits sont alimentés par les
rivalités de connaissance des dynasties passées où abondent du matériel historique
et cognatique (Se dit d’un mode de descendance ou filiation passant aussi bien
et indifféremment par les hommes que par les femmes.)
La transmission du trône se fait
par confirmation de la légitimation de l’individu. L’utilisation de la
temporalité est permanente. La référence aux ancêtres défunts l’est également, dans
la maison mère, un espace est habité par le présent et un autre par les
défunts. Il y a saturation du quotidien par le passé.
En Amérique latine, le Brésil montre peu d’intérêt pour les lignées.
Au Brésil -terrain d’étude, on rencontre peu d’intérêt pour
la mémoire en général, s’il y en a, on ne remonte pas plus loin que trois
générations. S’il existe un album familial, il sera plutôt vu comme intéressant
pour la photographie et non pour l’histoire familiale. L’intérêt familial se
fait peu pour les cousins et au-delà il faut demander aux parents qui est qui.
Les personnages plus importants ont pour certains une généalogie
écrite par d’autres. On peut trouver en ligne un début de généalogie de J. A. WANDERLEY
(1815-1889) Premier baron de Cotegipe, Premier ministre du Brésil, sénateur et
Grand de l'Empire. Descendant de nobles hollandais émigrés au Brésil au XVIIe
siècle. Par ex sur ce lien
La société brésilienne cultive les liens familiaux de
manière à s’apparier avec les différentes émigrations. Elle va également tenter
de se légitimer selon leur désir d’approprier des zones foncières. Il émerge
une communauté des individus dont l’histoire est l’ancêtre fondateur - ancêtres
esclaves venus d’Afrique sans pouvoir parler de généalogie. Ce qui importe ici
est la saga familiale ou la saga des migrations esclavagistes.
Le goût du passé familial des français
En France, dans les vieilles
familles Briardes de la ville de Meaux (Seine et Marne), il existe des sociétés
savantes d’histoire locale, avec des obligations statutaires, donc bien
organisées. « Se désintéresser de cette histoire c’est renoncer à cette
histoire ».
Les liens ont été amenés par la
terre. Un homme écrivait l’histoire de sa famille et en binôme écrivait l’histoire
de la terre. Ces sociétés savantes ont une dynastie établie par l’ancienneté
dont ils disent « Nous notre noblesse, c’est l’ancienneté ». Les gens
de Meaux occupant le château l’on racheté aux nobles et n’ont donc pas d’arbre généalogique,
mais clame que leur arbre est le cimetière -dans la terre.
Anecdote : Un maraîcher
retraité, protestant de père en fils, habitait la même maison depuis le XVIIème
siècle. Le drame personnel de cet homme était qu’il n’avait qu’une fille qui de
plus se maria avec un catholique. Pour cet homme, cette rupture de lignée correspondait
à une perte de soi et le rendait dernier des Mohicans de ces vieilles familles,
il était le vieux du faubourg. Si l’histoire familiale restait privée, l’histoire
publique était dite.
L’arbre généalogique constitue
une ligne de vie et en plus de cela cet homme a constitué un musée personnel
avec chaque objet typique de ces cercueils -trésors familiaux qui matérialisent
son ancienneté. Il a monté une conservation des outils du travail maraicher et
des protestants de Meaux.
Une grande réunion familiale autour de la première guerre mondiale
L’histoire de la famille ne peut
être constitué de faits désagréables alors qu’elle cherche à ne garder que
quelques faits honorables qui seront rendus publics. Les commémorations de la
première guerre mondiale ont été l’occasion de ramener des souvenirs pour les
représentants d’une famille et de mélanger histoires familiales et histoire
publique.
Le centenaire de la mort de Louis
a été l’occasion d’une grande réunion familiale. Louis l’ancêtre a eu six
enfants et quatre cent cinquante descendants, à l’appel des commémorations de
14-18, cent dix-sept répondirent présents, deux absents pour raisons de santé. Les
adolescents présents à cette réunion découvrirent les combats, Verdun, la
famille dans son sens large.
Lors de cette journée, les
lignées descendantes sont représentées par quatre couleurs, chacune attribuée
au fils -ancêtre faisant la jonction avec Louis. Une présentation est faite de
l’ensemble de la généalogie entre 1200 et 2000. L’on s’aperçoit qu’il y a des
descendants soldats, pour la patrie et les honneurs, des descendants religieux
dont un qui a été ethnologue avant de devenir prêtre, on peut également
constater l’alliance entre l’aristocratie et la bourgeoisie.
Après un repas où chacun a été libre
de se placer, une réunion est prévue au cimetière de Fleury devant Douaumont
(Meuse). Il est alors fait un discours où l’on parle de mort sacrificielle et
où le temps s’écrase entre 1914 et 2014. Une messe commémorative au descendant,
prêtre catholique évoque la transmission de la prêtrise en plus de celle des
armes.
Cette généalogie familiale est
tenue à jour par un vieil oncle qui structure ainsi la famille. Souvent la
fille non mariée tenait à jour les histoires familiales. Dans la saga
familiale, l’épouse de Louis devenue veuve acheta une maison dans le Jura. L’été
était l’occasion de retrouvailles entre cousins. On peut ainsi comprendre le
rôle des maisons de famille dans toute la structuration. Le sens de la mort du
centenaire est de réunir les parents par familles descendantes, ce qui fait
exister la famille élargie. Ceci donne aussi une affirmation : la force de
la continuité, alors même qu’il y a appauvrissement de certaines branches ou départs
internationaux.
Conclusion :
Tout ce travail souligne ces
différentes pratiques qui reproduisent l’appartenance et dont les descendants
seront existants et décrirons la famille.
L’existence d’un lieu familial,
même ancien, la commémoration d’un ancêtre, décrit un mode d’appartenance. La
généalogie est une des formes de transmission de ce passé, il reste un outil.
La généalogie anthropologique est
différente de la généalogie familiale. La variabilité des mémoires et de l’usage
qui en est fait ont été décrites au Brésil et au Dahomey - Bénin.
[1]
Directeur de recherches au CNRS, Centre Maurice Halbwachs, professeur
d’anthropologie à l’Ecole Normale Supérieure.
Conférence dans le cadre
du Colloque international du 24-25 janvier 2019 Université d’Angers
Les mondes de la
généalogie Diffusions et transformations d’une pratique amateur à l’échelle
transnationale.
Le goût du passé familial
: pratiques de commémoration et appartenances.