Les mondes de la généalogie Colloque international d’Angers
Diffusions et transformations
d’une pratique amateur à l’échelle transnationale.
Séance 3 : Nouvelles pratiques de la généalogie et
conceptions de la parenté
Intervenant : Virginie WENGLENSKI Mise à
jour par la conférencière
La découverte du décès d’arrières
grands parents polonais à Auschwitz fût le début d’une aventure généalogique
menant au métier d’archiviste. Établie à Montréal depuis 2000, l’adhésion à la
Jewish Society of Montréal (JGS-Montréal), concepteur du site Jewish Records
Indexing- Poland (JRI-Poland) devint une nécessité.
Les recherches d’une généalogie juive polonaise en Europe de l’Est sont particulièrement difficiles pour diverses raisons bien connues.
Les persécutions et les expulsions depuis des siècles, les migrations de pays en pays, les exactions ; les changements incessants de frontières ; les registres mal tenus (on peut mettre des jours, des mois, voire même des années avant de déclarer une naissance, un mariage ou un décès). On peut toutefois compter sur les recensements (qui permettent de taxer les communautés juives) … mais uniquement pour les hommes. En Russie, on change de nom pour éviter un service militaire de 25 ans. Les noms de famille symbolisent souvent une ville (ex : Piotrkow-Trybunalski devient Piotrokowski). Ils peuvent être mal orthographiés : erreur de transcription lors d’immigration, cas d’analphabétisme fréquents, homonymes…
Pour finir la Shoah qui a créé une véritable fracture
abyssale dans et entre les individus. Beaucoup de documents ont été détruits
par les nazis (processus génocidaire) mais aussi par les personnes juives (peur
d’être identifiées, bon combustible pour se réchauffer…) Il y a la période
avant et après la Shoah.
Si l’on prend l’exemple d’une généalogie de la
troisième génération descendante soit les petits-enfants, la perte des membres
de la famille a pu laisser les parents - qui étaient alors des enfants - muets
sur la mémoire familiale, il est alors difficile de se construire un arbre sans
ces références mémorielles. De plus, le
phénomène est bien connu, les gens ayant vécu de grandes souffrances restent
silencieux sur cette période trop grave. Comment interroger sans témoins. Comme
savoir qui étaient les grands-parents, comment faire des recherches sans savoir
s’il est seulement possible de retrouver leur trace d’autant que la mémoire
intergénérationnelle laisse un vide immense, un trou béant.
Un exemple concret de recherche
nous est présenté et il met en évidence la complexité de ces recherches. La recherche s'effectue du côté paternel dont le pays
d’origine est la Pologne.
Dans ce cas, la mémoire familiale raconte que les
grands-parents ont été déportés sans plus de précision. Le fait connu est :
ils ne sont jamais revenus. Un début de piste pourrait être le Mémorial de la Shoah, la liste des noms des personnes disparues dans le génocide de la seconde guerre
mondiale s’y trouve et effectivement les grands-parents sont bien cités. Leur
nom et la date de leur disparition 23/07/1943 à Auschwitz. Nous avons donc
maintenant la structure familiale qui s’agrandit avec des noms complets, des dates et des lieux de naissance. L'accès à leur dossier de naturalisation va nous amener plus loin.
Il suffirait d’entreprendre des recherches en Pologne, si
possible…
Mais on se heurte à plusieurs problématiques : l’état
civil n’est obligatoire qu’à compter de 1808 pour les juifs et les noms de
famille ne leur seront imposés qu’à partir de 1821. L’histoire mouvementée du
pays rend les noms de lieu très versatiles (slave, germanique). Il existe
plusieurs villes ayant le même nom (474 x Piaski, 290 x Katy…). La mouvance des
frontières impose parfois des recherches « internationales » en deux
langues (polonais et russe). Le cas de Dubno, anciennement en Pologne et
maintenant en Ukraine est représentatif.
JRI-POLAND, organisme Montréalais a été créé en 1995 pour permettre de retrouver ses ancêtres, identifier de la famille victime de la Shoah, retrouver des
membres à des fins médicales... C’est une immense base de données entièrement
gratuite qui indexe des noms, des années, des types d’actes et renvoie
généralement vers le site des Archives nationales polonaises, les microfilms
des Mormons d’autres partenaires pour accéder à l’acte. Mais il y a bien plus
que des références à des documents d’état civil.
Une recherche sur ce site a permis de retrouver l’acte de naissance de la grand-mère, il est en russe et grâce à l’aide de bénévoles, il est aussitôt traduit. Une piste est ouverte, il faut continuer à reconstruire l’arbre.
Une recherche sur ce site a permis de retrouver l’acte de naissance de la grand-mère, il est en russe et grâce à l’aide de bénévoles, il est aussitôt traduit. Une piste est ouverte, il faut continuer à reconstruire l’arbre.
généalogie d'ancêtres disparus |
JRI-POLAND est alimenté essentiellement par des bénévoles à
tous les niveaux d’entraide. Les apports de cet organisme sont multiples : médical (recherche sur
la bêta thalassémie, maladie du sang rare chez les ashkénazes), politique (entente
multiple entre le Canada et la Pologne), culturel (participation à des
émissions télé américaines), juridique (recherches testamentaires), académique
(recherches universitaires), psychologique (aide à se construire, offrir une
tombe à ceux qui n’en n’ont pas), archivistique (ouverture d’archives et
numérisation).
La recherche sur le site est facile, et les entrées sont
simples. Vous trouverez un encadré qui vous explique comment faire. L’adresse du site : https://jri-poland.org/
Notice bibliographique de la
conférencière : La conférencière a mené une carrière de professionnelle et
de gestionnaire pendant quelque 25 ans au sein d’entreprises françaises et
québécoises. Parallèlement, elle a mené des activités de recherche dans le monde
des archives et de la généalogie. Diplômée de l’Université de Montréal, elle
poursuit une maîtrise en sciences de l’information (archivistique). Elle
s’intéresse à la problématique des archives dites sensibles et aux conséquences
qu’elles peuvent avoir, particulièrement dans le domaine de la généalogie.
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