Séance 3 : Nouvelles pratiques de la généalogie et
conceptions de la parenté
Intervenant : Anaïs MARTIN[1]
Anaïs présente un
sujet particulier qui est celui de la relation par don (de sperme dans cette
étude) et la recherche de ses origines que peut initier l’individu conçu par
cette pratique. Cette étude fait l’objet de sa thèse.
Elle nous raconte alors, l’histoire
du secret de Jody vivant au Royaume-Unis. A 36 ans, mariée et mère d’un enfant
en bas-âge, elle a déjà perdu son père et vient de perdre sa tante, il n’y a
plus de survivant de ce côté, c’est alors que sa mère dévoile le secret qu’elle
avait promis à son père de ne jamais dire et lui apprend qu’elle est née par
donneur dont l’identité restera inconnue. Au moment de la conception de Jody, la
pratique courante était basée sur l’anonymat du donneur, dans l’Angleterre des
années ’90.
Jody a déjà fait son arbre
généalogique côté maternel et paternel. Cependant, à la suite de cette
révélation, elle aimerait trouver le donneur. Elle s’inscrit alors sur un site de généalogie
génétique en ligne, effectue un test ADN pour elle-même et peu de temps après
avoir reçu ses données, la page personnelle de Jody pointe vers un utilisateur
désigné comme proche parent.
Pour mieux comprendre. Le centimorgan, cM, est une unité mesurant le lien entre deux gênes. Le choix des sites de généalogie en ligne qui proposent des tests ADN pour une somme modique, est tourné essentiellement vers la recherche de correspondances afin trouver des membres de la famille proche, élargie ou très éloignée.
Pour mieux comprendre. Le centimorgan, cM, est une unité mesurant le lien entre deux gênes. Le choix des sites de généalogie en ligne qui proposent des tests ADN pour une somme modique, est tourné essentiellement vers la recherche de correspondances afin trouver des membres de la famille proche, élargie ou très éloignée.
Correspondance ADN
|
Qualité de correspondance ADN-segment centimorgan |
Portion de segments triangulés cM en correspondance |
La personne ayant effectuée son test reçoit en retour ses
informations mais aussi la liste des correspondances. L’analyse de la qualité
des segments va donner un pourcentage de combinaisons et le nombre de segments
en communs, selon la qualité de ces éléments l’on peut trouver des individus
plus ou moins proches. Le fait d’avoir publié son arbre en ligne aide à faire
le point sur les membres des arbres en commun et donc de vérifier les correspondances
avec les recherches généalogiques en cours. Il est possible de prendre contact
avec la correspondance ADN.
Revenons à Jody, sur ce site la
correspondance nommée « matching » lui indique une demi-sœur. Elle entre
en contact avec celle-ci qui lui apprend qu’elle-même a été conçue par don. Elles
ont donc en commun cet héritage masculin. Mais, elle apprend également qu’elle
a un demi-frère à l’étranger. Jody a donc une demi-sœur et un demi-frère. Elle
décide de refaire une recherche en ligne mais en clarifiant les besoins et
obtient un nouveau résultat -matching.
Et cette fois, elle obtient un
matching avec une femme, qui après questionnement, lui dit qu’elle a eut un
frère qui a été donneur, ce qui vient étayer les suppositions de Jody. Elle a
donc un pourcentage d’ADN en commun avec cette femme qui se trouve être dans la
position d’une tante. L’identité du donneur est finalement dévoilée.
Au Royaume-Unis, le mode de conception par donneur basée sur
le secret a pris fin en 1991 par une première loi encadrant le don, laissant l’ouverture
à des données non identifiables. C’est en 2005 que la loi a permis l’accès à l’identité
du donneur.
Chercher ses origines via les sites de généalogie génétique, va-t-on vers une génétisation de l’identité ?
La génétique est au cœur du problème, en effet comme vous
avez pût le lire, dans le paragraphe "pour mieux comprendre". Il est nécessaire d’acquérir
de nouvelles notions, comme centimorgans, cM, correspondances de segments
triangulés etc.
La recherche de ces origines par la pratique de la
généalogie, est bien antérieure. L’obtention des outils et des compétences est
ancienne.
Jody, affirme ici des notions qu’elle ne maîtrise pas, elle
a un choix interprétatif, comme dire cette dame est donc ma tante et son frère le
donneur. Il faut savoir que les données transmises par ces sites de généalogie
en ligne ne sont que superficielles et il peut y avoir des marges d’erreurs.
Construire un nouvel arbre avec ces résultats ?
Une série de questions se posent en matière de construction généalogique.
Comment élaborer un arbre généalogique dans ce cadre ? En effet, dans l’exemple
pris ici, qui est représentatif du panel d’individus étudiés, le père et la
mère ayant élevé Jody, restent ses parents et le donneur reste un donneur,
mais quand même elle lui donne une place. Il n’est pas le parent au sens
classique du terme, il est plutôt un choix narratif unique. Jody fait bien la
différence, même s’il y a pluralisation des relations. Un même lien sur le
papier peut être idéalisé.
La parenté homme = triangle et Femme = Cercle. Jody est
indiquée en bleu ainsi que son conjoint et sa fille et aussi sa mère. Son père
et sa fratrie est en vert. Le donneur est en gris ainsi que sa sœur et les
enfants nés sont en rose, orange et bleu ciel, fratrie de Jody.
NB : En France, il y a toujours interdiction de
connaître le donneur. Les Etats- généraux de la révision de la loi sur la
bioéthique – entre autres- PMA ont été lancés en 2018. Lire ici
[1] Anaïs
MARTIN est doctorante en anthropologie à l’EHESS et au centre Norbert ELIAS
(Marseille). Sa recherche s’inscrit à la suite des travaux sur la
pluriparentalités, l’anthropologie du corps, de la personne et du genre. Elle a
reçu le second prix du mémoire de la recherche de la CAF en 2016, pour son
travail sur le vécu des adultes conçus par le don de sperme en France. Elle est
cofondatrice du groupe de recherche EnCoRe (Engendrement, Corps, Relations) et
membre de L’ANR Origines coordonnée par Agnès MARTIAL.
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