Du challenge AZ à RootsTech, une généalogie sans frontières.


Les mondes de la généalogie

Séance 1 :  Pratiques institutionnelles : des enjeux à l’échelle mondiale ?

Sophie BOUDAREL[1]


C’est en 2013 que Sophie BOUDAREL, propose un défi d’écriture aux bloggeurs généalogistes.  Publier un billet par jour en commençant par la lettre A jusqu’à Z, ceci pendant un mois. Ce défi a rapidement traversé les frontières et il attire maintenant des bloggeurs de France, Belgique, Suisse et Canada. Le sujet en est bien entendu la généalogie. Le nombres de participants va croissant et les articles sont très variés, des services d’archives publics ont relevés le défi et nous ont offert de beaux documents.  J’ajouterais que grâce à ces articles, des cousins se sont retrouvés, des liens se sont créés et surtout un grand partage et une entraide se fait.




« Le challengeAZ n’est pas le seul événement ouvrant les frontières de la généalogie. Ainsi, le salon RootsTech, organisé chaque année par FamilySearch à Salt Lake City, attire de plus en plus de visiteurs étrangers, dont des français, qui peuvent aussi être conférenciers. L’aspect de ce salon s’affirmant d’années en années, une nouvelle édition est prévue à Londres, avec une diffusion européenne. » 




[1] Généalogiste professionnelle, Sophie BOUDAREL est attachée à la valorisation non seulement de l’histoire familiale, mais aussi des archives. Elle s’intéresse aux liens existants, et à leur développement, entre archivistes et généalogistes. Elle effectue des recherches pour les particuliers français et anglophones, et forme des particuliers à la recherche généalogique dans le cadre d’ateliers, tel ceux proposés par la Revue Française de Généalogie avec qui elle collabore. Elle donne également des conférences en France et à l’étranger. Elle anime le blog : la gazette des ancêtres . Elle a lancé, et anime, le « Challenge AZ », défi d’écriture auquel participent de plus en plus de généalogistes amateurs francophones mais aussi des services d’archives publics.

Les relations des services d’archives de France avec la société généalogique de l’Utah. Un accélérateur de démocratisation culturelle ?


Les mondes de la généalogie

Séance 1 :  Pratiques institutionnelles : des enjeux à l’échelle mondiale ?

Élisabeth VÉRRY[

Les relations entre la société généalogique de l’UTAH (émanation de l’Église des Saints des derniers jours, plus communément appelée des Mormons) dont le site web est FamilySearch  et la direction des archives de France sont anciennes. Alors que dans de nombreux pays d’Europe entre autres le Royaume-Unis et l’Allemagne leur implantation ne posait pas de problèmes, la France était résistante et posait la question du devenir des documents.


Une convention fût signée le 28 octobre 1980. La proposition de la SGU était de traiter les registres paroissiaux et d’état-civil et être autorisée à utiliser ces reproductions dans le cadre de ses propres archives, ceci à leur frais avec la structure que ça suppose et de conserver les documents sous trois copies dont une était retournée en France, ils gardaient– on parlait à l’époque de microfilms, il s’agit de numérisation actuellement. Pendant vingt ans l’action de la SGU a sans conteste multiplié l’accès à ces sources, permettant l’échange sous longue distance.   

La généalogie connu un tournant au moment des trente glorieuses, avant cette période la recherche était plutôt savante, la nouvelle période nous mène vers un intérêt des gens pour leur histoire. Il y eût un développement des cercles de généalogies avec la publication des premiers bulletins etc. L’association généalogique et archéologique d’Anjou fût la première association de départ vers 1970.

Dans les salles de lecture des archives ont vit de plus en plus de généalogistes, avant les années ’80, leur pourcentage était de 29.7% après cela il grimpa à un peu plus de 50%.

Actuellement, l’arrivée du numérique et l’accès à internet, voit une diminution des salles de lectures. La SGU quant à elle est passée à l’étape supérieure, l’exemple de Rootstech (grand événement autour de la généalogie), montre combien c’est devenu important. Un concours tel Innovator Showdown, qui est une compétition entre inventeurs du monde entier récompense les meilleures idées. Christophe MARIN (France) a proposé Champollion module de lecture pour paléographe. Il a reçu un prix en ½ finale.  Vous pouvez lire l’article de Sophie BOUDAREL dans la revue française de généalogie à ce sujet. Un autre module Famicity (France) Racontez votre histoire a également été ce proposé. 

Le monde des archives a bien changé !

[1] Conservateur général du patrimoine, archiviste-paléographe. Elisabeth VÉRRY est depuis 1990 directrice des AD de Maine et Loire. Elle est l’auteur de nombreux travaux, études, publications ayant trait à l’histoire de l’Anjou à toutes les époques. Elle est vice-présidente du Centre Culturel de l’Ouest-abbaye de Fontevraud et membre de nombreuses commissions, conseils et sociétés savantes locales et nationales. Elle est également chargée de cours en paléographie et archivistique, comme membre TEMOS et membre du conseil de l’école doctorale Société, Temps, Territoires de l’Université Bretagne-Loire.

L’indexation collaborative en contexte transnational, entre harmonisation et différenciation des publics généalogistes.


Les mondes de la généalogie

Séance 1 :  Pratiques institutionnelles : des enjeux à l’échelle mondiale ?


Aliénor SAMUEL-HERVÉ[1]

« En France, depuis les premières expériences d’indexation collaborative des archives départementales, il y a une quinzaine d’années, la pratique s’est largement diffusée et des dizaines de services proposent désormais des projets de ce type. A côté des initiatives institutionnelles destinées à favoriser la participation et l’appropriation des contenus culturels par les publics, d’autres formes d’indexation se développent hors des dites institutions, notamment autour des plateformes de généalogie. Alors que projets collaboratifs des services d’archives évoluent dans un contexte national autour d’une langue commune, ces plateformes de généalogie, mondiales, développent des projets dans plusieurs langues et communiquent avec des communautés de tous pays du monde.

Ces indexations collaboratives existent sur deux plateformes :  Geneanet en Europe et FamilySearch.
Si le développement de ce type de projet à l’échelle nationale présente déjà des contraintes techniques (développement, stockage, maintenance…) et organisationnelles (communication, mobilisation d’une communauté d’indexeurs…) l’environnement transnational présente des contraintes spécifiques supplémentaires, comme la gestion des langues étrangères ou la diversité des archives d’un pays à l’autre.

Il est donc important que soit faite l’harmonisation entre tous les systèmes pour n’avoir qu’un seul module à présenter à tous les généalogistes et la différenciation car il faut adapter les documents proposés dans le module d’indexation en fonction des différents publics généalogistes. Il y a une constante évolution afin d’ouvrir de nouveaux projets.

Ce travail ouvre des perspectives de recherche historique et généalogique. »



[1] Aliénor SAMUEL-HERVÉ a terminé un Master en histoire moderne, un DU d’histoire et généalogie familiale et un second Master en médiation culturelle, patrimoine et numérique conclu par un mémoire de recherche sur la généalogie à l’ère numérique.  Elle est chargée de mission chez Geneanet. En parallèle de son métier et de sa passion pour la généalogie, elle mène des recherches sur l’histoire sociale et culturelle des XVIème  et XVIIème siècles et travaille sur les chirurgiens militaires de cette période dans le cadre d’un DU en Histoire de la médecine. 


De la démocratie généalogique en Amérique

Les mondes de la généalogie - Colloque international 2019 Université d’Angers
Diffusions et transformations d’une pratique amateur à l’échelle transnationale.

François WEIL[1] :

Une première période coloniale

L’idée de la dénomination de la généalogie au 18ème siècle est différente aux Etats-Unis d’Amérique et elle est en réalité bien différente d’une pratique généalogique démocratique. Dès la fin du 18ème siècle en legs de l’époque coloniale britannique, la généalogie se fait pour deux raisons :
  •    La justification d’un statut social, par ex : les descendants drapiers de Virginie. L’arbre construit pour justifier de ce statut social est un faux, peu importe qu’il soit fabriqué et issus d’un pseudo monde aristocratique, l’importance est la distinction. 
  •  Une logique familiale. Il existe des centaines de lignage chez les petites gens (par opposition à ce monde « aristocratique ») qui ont été laissés dans la Bible familiale, en Nouvelle Angleterre et en Pennsylvanie. Cette Bible est transmise précieusement aux descendants pour la continuité de la mémoire du lignage. On retrouve cette culture de la mémoire du lignage chez les esclaves, mais il s’agit alors de mémoire orale.

Cette attitude pose un gros problème dans la nouvelle république qui se veut égalitaire, la généalogie de distinction, devient difficile à rendre publique. Georges WASHINGTON 1732-1799 1er Président et Thomas JEFFERSON  1743-1828 3ème Président avaient un arbre mais ne voulait pas le confesser à cause de leur connotation aristocratique.

Par la suite, entre 1800 et 1860 (généalogie républicaine) on cherche à trouver des justifications ou légitimation de cette pratique, on utilise alors la mobilité vers de l’Est vers l’Ouest et donc l’extension des lignées familiales.

Le début du 19ème siècle ressemble davantage à un mouvement plus démocratique :  des gens ordinaires pouvaient prétendre aux postes plus élevés.

Le général Ulysses GRANT 1822-1882 18ème Président des EU, est issu d’une famille modeste d’ouvrier. Le grand-père est un petit tanneur des années 1820, provenant de Pennsylvanie, il entretenait une correspondance de lettres et ceci devient une stratégie géopolitique considérable à l’époque. Abraham LINCOLN 1809-1865, juriste de profession est en réalité un self-made man, issu d’une vague tradition quaker, et ces gens recherchent leur information d’origine dans la mobilité géographique. Les premières réunions de familles organisées ont lieu vers 1840 – 1850, elles font se rencontrer des centaines de personnes, par ex : patrimoniale en réunissant tous les GRANT.

Le métier d’antiquaire, généalogiste, historien, commence vers 1820. John FORMER est un des premiers à avoir créé une généalogie et la première publication d’un registre. Ceux-ci sont des pseudos scientifiques qui ont recours aux archives existantes sur seulement 4 ou 5 générations.

Dans la classe moyenne, c’est l’engagement des femmes dans l’écriture d’ouvrages (d’histoires, de femmes) qui leur permettra d’être les conservatrices de la mémoire familiale. On les nomme les « Record Keeper », ainsi le poète et philosophe Ralph Waldo EMMERSON 1803-1882, fils d’un pasteur mort alors qu’il n’avait que 8 ans, a été élevé par des femmes dont sa mère et sa tante Mary Moody EMMERSON écrivaine et diariste, celle-ci était la « Record-Keeper ».  Ce rôle était souvent dévolu à la tante qui ne se marie pas.

En Nouvelle-Angleterre des centaines de femmes brodaient des arbres généalogiques afin d’assurer la transmission.

Reste la difficulté de trouver des preuves de sa généalogie. Benjamin FRANKLIN 1706-1790, père fondateur des Etats-Unis essaye de trouver des traces de sa famille mais ne peut remonter à plus de deux générations.

En dehors de ces gens modestes restent les anciens coloniaux, souvent des parvenus, tous prétextant être descendants du Mayflower (Premier navire à avoir déposé des colons à Cap Cod en 1620, ils furent ensuite les fondateurs de la ville de Plymouth au Massachussetts – Nouvelle Angleterre), pour établir leur généalogie, il leur suffisait de se rendre dans une officine d’antiquaire et en fonction de la quantité de monnaie déversée, l’arbre s’enrichissait lui aussi de noms importants.

La période de la guerre de Succession jusqu’à la deuxième guerre mondiale, voit comme dominante la pratique racialisée de la généalogie uniquement sur les blancs par rapport aux autres. Parmi les blancs, certains le sont plus que d’autres. Un antiquaire moyen dessine donc une élite raciste. Celle-ci peut être réalisée par une généalogie anglo-saxonne, par les migrants venus d’Angleterre, dans laquelle on sépare encore angles et saxons. Le paradoxe de cette pratique est que bien que racialisée cette généalogie est « démocratique » dans le sens où elle est pratiquée par des milliers de personnes, dans le but de prouver qu’elles ont des origines supérieures à celles d’autrui.  Ceci continue à nourrir un modèle économique américains qui se fait sur mesure en fonction des prix.

Les migrations sont motifs à cette généalogie racialisée. Les huguenots de Californie, les irlandais, les juifs et ceci jusqu’à la fin du 19ème siècle.  Il y a eu prolifération de fausses généalogies, fabrication de généalogie d’entreprise publique qui furent arrêtées par le FBI mais l’arbre est resté dans les familles et donc il contribue à cette légende familiale persistante.

Un deuxième moment démocratique


Vers 1840, l’intérêt des Mormons leur fait envoyer des missionnaires portant des manuels d’éducation, le rôle de femmes est déterminant, des réunions de familles sont organisées créant une sociabilité familiale.

Troisième moment démocratique jusqu’à l’heure actuelle


La légitimité antérieure disparaît à cause de la deuxième guerre mondiale et l’holocauste. Une injustifiable racialisation apparaît. Les associations ont changé de dynamique et se transforment vers l’ouverture générale et multiculturelle, multipopulaire, multiraciale. Une grande demande d’accès à la ressource archiviste apparaît et se rapproche de la pratique européenne plus tournée vers des questions d’héritage, mémorielles ou patrimoniales.


Alex HALEY publie Roots en 1976 sur l’histoire d’une famille afro-américaine, de l’époque de l’esclavage à l’époque contemporaine. Traduit en français Racines, Ed J’ai lu. Il s’agît d’un roman à base d’une saga familiale, s’il a inventé une partie de ses ancêtres, il a permis de légitimer des recherches généalogiques pour tous. Ceci permet d’écrire l’histoire du pays sans passer par les paroles des élites. Elle permet de passer du bas vers le haut et d’être probablement plus attentifs aux détails de l’histoire.
                                                                                                           

Par la suite, la généalogie entre dans l’ère du business : des millions de dollars sont en jeu et un changement d’attitude marque le marché généalogique. Cet enjeu existait déjà au niveau américain, comme on a pu le voir et c’est grâce à leur savoir faire qu’ils envahissent le marché européen qui ont mi du temps à suivre.




[1] François WEIL est professeur associé à l’EHESS. Ses recherches ont porté sur l’histoire sociale de l’industrialisation américaine, sur l’histoire des mouvements migratoires dans l’espace atlantique et nord-américain et bien d’autres. Son dernier livre est Family Trees : a History of Genealogy in America (Cambridge, Mass : Harvard University Press, 2013)







Les mondes de la généalogie Colloque Angers 24-25 janvier 2019


Diffusions et transformations d’une pratique amateur à l’échelle transnationale.

Au cours de ce colloque riche en qualité, seize intervenants de plusieurs disciplines différentes: archivistique, histoire, conservation du patrimoine, généalogie, sciences sociales – anthropologie, ethnologie, sociologie, sciences de l’information, nous ont offert d’exposer leur expertise professionnelle. Leur recherche et leur regard a permis de démontrer combien la généalogie a évolué, tant du point de vue de la méthode que de l’outil. Nous sommes certainement en train de vivre une nouvelle ère de la généalogie. Il me semble que ce colloque a poussé des portes entre toutes les disciplines. Chacun avait-il conscience de l’utilité de l’autre ? Une chose est sûre, leur regard a changé.

Comme l’a dit Patrice MARCILLOUX[1]  en conclusion

« De chaleureux remerciements sont adressés à tous les intervenants pour la qualité de leur présentation. Le sujet généalogie contrairement à ce qui était conceptualisé par chacun a été un beau sujet. Si pour les anthropologues, il était d’évidence, ceci l’était moins pour les historiens et les archivistes. La généalogie n’était pas « appropriée » et ce colloque a permis de dévoiler diverses ouvertures sur le devenir du travail d’archiviste. Les approches des différentes compétences ont finalement fait passer du rire au sourire et même au manque de sourire, tant a été atteint différents niveaux de profondeur de vue. ».
Au fil des deux semaines qui viennent, je vous propose un résumé des interventions. Le choix de la longueur de texte est crucial sur un blog et me voilà contrainte d’alléger les résumés. Si certains seront courts, je ne peux m’empêcher de vous livrer d’autres interventions plus longues car le sujet, touchera probablement les lecteurs de ce blog de généalogie, pour leur pratique. En bas de page, vous pourrez lire les compétences de chacun et dès lors faire votre propre recherche pour vous référer à leurs travaux. Dans la mesure du possible, des références de lecture ou de site internet seront proposées.

En introduction : Yves DENÉCHÈRE[2], Bénédicte GRAILLES[3]  nous ont fait valoir combien il était intéressant de se plonger dans un travail de recherche en archives tourné vers la généalogie. Combien les âges et les outils des chercheurs amateurs avaient changés au fil du temps et comment elles signaient l’appropriation de l’individu en généalogie. Ils nous ont également rappelés, que la tradition orale dans certaines régions du monde pouvait présenter des difficultés, par exemple, les enfants métis du Viêt-Nam à la recherche d’une identité. Ils ont aussi souligné, l’influence de la génétique (ADN) sur les recherches généalogiques et la variété des compositions familiales. L’écueil que présente des suppositions d’affinités avec des repérages généalogique faussés. L’approche d’une généalogie ascendante comme descendance dont le choix sera décuplé par l’observation de cette famille élargie. Le généalogiste, devient historien des familles et transmet son histoire.




[1] Patrice MARCILLOUX, Professeur en archivistique à l’Université d’Angers. Livre Presse Univ de Rennes Les Egos-Archives. Trace documentaire et recherche de soi.
[2] Yves DENÉCHÈRE, directeur de TEMOS, professeur d’histoire contemporaine à l’université d’Angers, Publie plusieurs livres sur les enfants adoptés.  
[3] Bénédicte GRAILLES, maîtresse de conférences en archivistique à l‘Université d’Angers. Publie Mémoire de Pierre, les monuments aux morts de la 1 guerre mondiale dans le Pas de Calais catalogue d’exposition.